Quand il n’y en a plus, il y en a encore. On croyait avoir tout découvert des affaires judiciaires entourant le Maire de Soisy et son équipe. Et bien non ! Après une première affaire d’indemnités illégalement versées, puis une seconde, après le marché public de l’Espace Culturel à 15 M€ attribué à un cabinet d’architectes employant la fille du Maire, LeSoiseen.info vous révèle une nouvelle affaire de soupçons de détournements de fonds publics en mairie de Soisy. Depuis des années, le Maire, des élus de sa majorité, ainsi que des cadres de la ville de Soisy, se font gracieusement payer leur repas au restaurant pour certains, séjour pour d’autres, ainsi que des dépenses en tout genre. Tout cela dans le non respect des règles et plafonds de dépenses fixés par la loi. Cette affaire est entre les mains des enquêteurs de la police judiciaire de Versailles depuis septembre 2018, suite à une plainte pour corruption déposée par l’Association de Défense des Contribuables de Soisy.
Toute dépense de frais ne peut être prise en charge par la ville que si elle respecte un cadre bien défini par la loi et par le conseil municipal. La loi prévoit que tout agent peut recevoir un ordre de mission afin d’effectuer un déplacement en dehors de sa ville de résidence ou de travail, soit pour y être hébergé, soit pour effectuer un repas. Cette dépense doit être justifiée, on doit en effet connaitre la raison de ce déplacement, et ne concerner que l’agent en question et non les convives. Sans quoi il ne peut y avoir de remboursement. Ces frais sont d’abord avancés par l’agent puis remboursés par le Trésorier de la ville. Un plafond maximal de remboursement est fixé par la loi, il est de 15,25€ par repas et 60€ par nuitée à l’hôtel.
Les élus peuvent aussi bénéficier de ce type de frais, dans les mêmes conditions qu’un agent, à savoir dans le respect des plafonds et d’une justification valable. Enfin, le Maire peut se voir attribuer un budget annuel de “frais de représentation”, voté par le conseil municipal. Les dépenses de ce compte doivent être en lien réel avec son mandat et ne peuvent être un traitement déguisé.
Quand Luc Strehaiano mentait aux Soiséens lors des élections municipales de mars 2014 en cachant l’existence de ces dépenses
Lors des élections municipales de mars 2014, Luc Strehaiano et sa liste “Soisy Avenir'” promettaient dans leur dernier document de campagne que : “pas un centime n’est dépensé pour les déplacements du Maire qui, depuis toujours, utilise une voiture qui lui appartient et règle personnellement ses notes d’hôtel et de restaurant“. Il ira même jusqu’à affirmer en conseil municipal du 7 mai 2015 que : “‘il prend en charge, sur ses deniers personnels, l’accueil des gens de Freiberg ou encore des marins de l’Aldébaran. De même, il prend en charge ses déplacements lors des voyages des personnes âgées, avec sa voiture.“.
Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Notre enquête vient totalement contredire les différentes affirmations du Maire. Elle révèle l’existence d’une centaine de frais de restauration et déplacement, aussi bien avant qu’après les élections municipales de 2014, à l’attention du Maire, d’élus municipaux ou encore de certains cadres de la mairie de Soisy. Nous avons aussi découvert des factures attestant que l’accueil des habitants de la ville jumelée de Freiberg ou des marins de l’Aldébaran est pris en charge par la ville et non par le Maire personnellement, comme il l’affirmait en 2015.
Des dépenses qui étaient imputées dans le mauvais article du budget pour mieux les camoufler
Toutes ces dépenses étaient inconnues des Soiséens et même des membres de l’opposition au conseil municipal. Personne ne soupçonnait leur existence. Dans le compte administratif, qui retrace le total des dépenses annuelles par article du budget, l’article “frais de représentation du Maire” était systématiquement proche de 0 euro. De quoi nous faire croire que le Maire ne gaspille pas l’argent public. Il n’en est rien. La supercherie a été dévoilée en plein conseil municipal du 7 mai 2015 par l’opposante Laura Bérot (voir page 28). Elle a questionné le Maire sur la découverte de notes de frais de restaurant qui n’étaient pas imputées à l’article “frais de représentation du Maire” mais dans l’article “fêtes et cérémonies”. En noyant ces dépenses dans un autre article, il était ainsi difficile de découvrir l’existence de ces dépenses, sauf à aller consulter le détail des factures de chaque compte du budget. Chose qui a finalement été faite…
A la suite de cette découverte, quelques semaines plus tard, le Maire a fait voter une délibération par le conseil municipal tentant de “légaliser” ses futurs frais de repas, mais avouant ainsi à demi mot l’illégalité des pratiques passées, en lui attribuant un compte bancaire spécifique de 6000€ par an pour ses dépenses. Mais malgré ce vote, nous avons pu constater que Monsieur Strehaiano continuait à dépasser les 15,25€ le repas par personne, que les convives qu’il invitait bénéficiaient toujours du paiement gracieux par la ville de leur repas, et qu’il utilisait également ce compte bancaire pour des dépenses éloignées de leur objet initial. De plus, les dépenses des cadres de la mairie ont continué à se dérouler, toujours dans le non respect des plafonds légaux de remboursement.
Une centaine de repas dont certains peuvent aller jusqu’à 131,50€ par personne
Ce sont au total près d’une centaine de repas dont nous avons pu consulter les notes de restaurant, et qui intéressent aujourd’hui les enquêteurs de la police judiciaire de Versailles. Les plafonds légaux de remboursement, 15,25€ par repas, ont systématiquement été dépassés durant ces repas. De sorte que l’on peut arriver à des montants par personne pouvant même atteindre les 131,50€ dans un de ces repas.
C’était le cas le 24 avril 2014 dans le restaurant “Les Vignes Rouges” à Hérouville-en-Vexin. Aucun nom de bénéficiaire n’est indiqué dans les justificatifs, dont la dépense provient de la direction générale des services de la mairie avec à sa tête un certain “Dominique Poey”. Tout ce que l’on sait c’est que les deux convives du 24 avril 2014 se sont bien régalés pour un total de 263 euros. Au menu : cocktails, escargots en entrée, plats à 31 euros l’unité, vins à 118 euros. Oui, qu’on se le dise, ils ont passé un très bon moment. Le porte monnaie des Soiséens un peu moins.
Pour la majorité des notes de restaurant consultées, la raison de la tenue de ces repas est inconnue et non précisée dans les justificatifs. Ce qui est illégal. Il est aussi parfois surprenant de découvrir que des cadres de la mairie et élus de la majorité déjeunent entre eux et eux seuls au restaurant, aux frais des Soiséens, alors qu’ils peuvent se réunir en mairie autour d’un bureau pendant leurs heures de travail. Autre grave anomalie, la ville de Soisy paie non seulement pour ses agents ou élus qui participent à ces repas, mais aussi pour les invités provenant d’autres collectivités ou organismes. Tout cela naturellement à nos frais !
Parmi les restaurants visités on compte “La Bonne Auberge” loin devant (jusqu’à sa fermeture récente) à Soisy, “Au Coeur de la Fôret” à Saint-Brice sous Fôret, “Les Lions du Val” à Herblay, “Le pavillon du Lac d’Enghien” (devenu le Fouquet”s) ou encore “Verre chez moi” à Deuil la Barre. Parmi la centaine de notes de restaurant, nous pouvons y retrouver notamment : le Maire, Luc Strehaiano, le Directeur de cabinet du Maire, Mathieu Ruellan, le Directeur général des services de la mairie (jusqu’en 2018), Dominique Poey, la Directrice de la communication de la ville, Céline Villecourt, le Commissaire de police d’Enghien, Olivier Boisteaux, le conseiller municipal délégué aux travaux, François About, l’adjointe au Maire à la Culture, Christiane Lardaud ou encore un certain Sébastien Chesbeuf qui revient souvent.
Coiffeur, cigares, whisky, 1500€ de vêtements la même année, aux frais des Soiséens
Nous avons aussi découvert l’existence de dépenses étranges, bien éloignées de ce que l’on pourrait attendre d’une municipalité. C’est ainsi que nous avons pu trouver une commande de cigares le 24 septembre 2014 pour on ne sait qui, de plusieurs commandes de Whisky à l’attention des adjoints au Maire, dixit le carnet de notes de frais du Maire, comme par exemple en février, avril ou encore en novembre 2017. Mais aussi des dépenses de vêtements à l’attention du Maire. Ce dernier utilisant son budget “frais de représentation” pour acheter 248 euros de chemises en janvier 2017, puis encore d’autres chemises en août 2017 pour 269 euros, ainsi que 449,85 euros de vestes et pantalons en décembre 2017 ou encore 541,40 euros de costumes en avril 2017. Monsieur Strehaiano se rend également régulièrement chez le coiffeur avec l’argent de son compte bancaire “frais de représentation du Maire” de 6000 euros par an, qui, faut-il le rappeler, est alloué en plus de ses indemnités de fonction mensuelles.
En effet, Luc Strehaiano dispose d’une indemnité de fonction de Maire, comme la plupart des élus de sa majorité, de 2000 euros par mois et destinée théoriquement à couvrir ses frais quotidiens. Il ne devrait donc pas avoir besoin d’avoir en plus de cela, un budget de frais. Il faut y ajouter ses nombreuses autres indemnités de fonction d’autres mandats comme celui de Président de l’agglomération ou Vice-Président du Département du Val-d’Oise. De sorte que Monsieur Strehaiano touche près de 6500 euros par mois. Largement de quoi subvenir à ses divers frais. Pourtant, il fait payer par la ville, en plus de ses indemnités de fonction mensuelles, des frais de représentation de Maire à hauteur de 6000 euros par an, soit 36 000 euros sur un mandat. Et dont nous allons continuer à constater certaines dérives.
Un voyage de 2 nuits à Hendaye en 2017 pour Monsieur et Madame Strehaiano à 757€
Le Maire de Soisy, qui soutenait ne jamais faire payer ses déplacements par la ville, a pourtant bénéficié d’un agréable séjour à Hendaye, dans le sud de la France, du 1er au 3 mai 2017. Il n’était pas seul puisque accompagné de Madame Strehaiano, dont on ne sait d’ailleurs pas à quel titre elle était présente (1ère dame du Maire ?). Cette dépense est non seulement injustifiée, mais elle ne concerne en rien les frais de représentation du Maire. Le financement par la ville des frais de déplacement de la femme du Maire est tout aussi illégal.
Outre le séjour sur place, qui a coûté 580 euros à la ville (290 par personne), le Maire a fait payer par les Soiséens, via son budget “frais de représentation”, les péages et le carburant de la voiture. Le total est de 757 euros de dépenses en deux jours. Surprenant venant d’un élu qui disait en mai 2015 qu’il supportait lui même personnellement ses dépenses de déplacement en voiture.
Un billet d’avion aller Pau-Paris à 252,49€ payé par la ville au Maire de Soisy
Luc Strehaiano, qui affirmait payer lui-même ses déplacements, s’est pourtant fait payer par la commune un aller simple Pau/Orly le 20 juin 2014 avec la compagnie Air France pour un montant de 252,49€. Dans l’objet de la dépense qui figure dans le mandat de paiement de la ville que nous avons consulté, il n’était pourtant pas précisé qu’il s’agissait d’un billet d’avion. La seule information que nous avions était la mention suivante : « Parrainage Aldébaran ». L’Aldébaran est un bâtiment remorqueur de sonars de la Marine nationale où se rendent chaque année des écoliers de la commune de Soisy car la ville en est la marraine depuis le 11 octobre 2003. Problème, l’Aldébaran ne se situe pas à Pau… mais à Brest, soit à plus de 855 kilomètres. De plus, le déplacement des écoliers Soiséens à bord de l’Aldébaran a eu lieu du 26 au 28 mai 2014 (voir page 4). Lorsque nous avons consulté la facture qui était associée à ce mandat de paiement, nous nous sommes rendu compte que la dépense en question était en fait un billet d’avion Pau-Paris au nom de Monsieur Strehaiano, ce qui n’avait donc rien à avoir avec l’Aldébaran et Brest.
Nous ne connaissons donc pas à ce jour la vraie raison qui a poussé le Maire de Soisy à se faire payer par la commune un déplacement en avion entre Pau et Paris d’une valeur de 252,49€.
Un repas à 700 euros pour le Maire et son équipe… un jour d’élection !
Une autre dépense a attiré notre attention. Il s’agit d’un repas de 700€ qui s’est déroulé le dimanche 24 septembre 2017. Ce n’était pas un jour comme les autres, c’était un jour d’élection sénatoriale. A cette occasion, les élus du conseil municipal de Soisy dans leur ensemble étaient invités à aller voter en Préfecture pour la liste de leur choix. En consultant le carnet de note de frais du maire, nous avons découvert qu’un déjeuner pour un montant total de 700€ a été organisé pour les seuls élus de la majorité municipale membres de la liste “Soisy Avenir”. Tout cela interroge. En quoi le vote des conseillers municipaux de la majorité municipale de Soisy aux élections sénatoriales 2017 était-il en lien direct avec ses dépenses de représentation de Maire de Soisy ? Pour rappel, la loi interdit tout financement d’une campagne électorale par une personne morale, donc d’une mairie. Il convient de préciser que le pourboire a aussi été réglé par le Maire lors de ce repas à 700 euros. D’ailleurs, en consultant son carnet de notes de frais, on constate qu’il fait plusieurs fois payer, en plus des frais de repas, des pourboires par la ville plutôt que de les payer de sa poche. Pourquoi se gêner non ?
Nous nous interrogeons également sur deux autres repas durant le premier semestre 2012 ou Monsieur Strehaiano était candidat aux élections législatives de juin. Le premier s’est déroulé le 19 janvier 2012. A cette occasion, Monsieur Strehaiano a pu déjeuner en compagnie d’un journaliste de la radio Europe 1 pour la modique somme de 238,60 euros, toujours aux frais des Soiséens, et cela alors que son parti de l’époque, l’UMP, devait désigner quelques jours plus tard ses candidats aux élections législatives. Candidature à laquelle il prétendait contre le député sortant, François Scellier. C’est finalement ce dernier qui avait eu l’investiture et Luc Strehaiano s’était présenté en juin 2012 sans l’étiquette UMP avant d’être battu dès le premier tour.
Le second repas est intervenu le 31 mai 2012 à “La Bonne Auberge”. Etaient présents le Directeur de cabinet du Maire, Mathieu Ruellan, le commissaire de Police d’Enghien-les-Bains, Olivier Boisteaux, dont on se demande d’ailleurs la raison de sa présence, et un certain Docteur Alain Mazaud. Ce dernier n’est pas n’importe qui à ce moment précis de la campagne législative. Alain Mazaud n’était autre que le Président du comité de soutien à la campagne du candidat Luc Strehaiano aux législatives de 2012. Ainsi, à quelques jours seulement du premier tour de ces élections, il a déjeuné, aux frais du contribuable Soiséen. Comprendra qui pourra.
Quand le Directeur de cabinet du Maire se fait plaisir… jusqu’à la baie du Mont Saint Michel !
Mathieu Ruellan est le directeur de cabinet de Luc Strehaiano depuis plus d’une dizaine d’années. Au même titre que son patron, il est un des participants les plus actifs à la centaine de repas que nous avons découvert. Son restaurant préféré, c’est l’ex “La Bonne Auberge” à Soisy, fermée en 2018. 150,80€ le repas par-ci, 168,80€ par-là. Outre le dépassement astronomique du plafond de 15,25€ le repas par personne systématique chez Monsieur Ruellan, nous avons constaté qu’il déjeune régulièrement dans sa ville de travail, Soisy. Ce qui est pourtant formellement interdit par la loi, puisque seuls les repas en dehors de la ville peuvent faire l’objet d’un remboursement forfaitaire sur justificatifs. Le législateur considérant que l’agent peut tout à fait organiser une réunion sur son lieu de travail, sans se déplacer. Aussi, non content de coûter cher à la ville, Monsieur Ruellan fait prendre à la charge de la ville de Soisy les dépenses des autres convives qu’il invite à nos frais à l’occasion de ses repas. C’est notamment le cas des différents directeurs de cabinet d’autres mairies du Val-d’Oise. Ainsi, quand Mathieu Ruellan invite les directeurs de cabinet de villes “amies” tels que ceux de Taverny, Saint-Gratien ou encore Ermont, ce sont les Soiséens qui paient, et non les villes concernées. Une totale absurdité.
Mais Mathieu Ruellan n’a pas que ses habitudes, aux frais du contribuable, dans les restaurants du coin, non. Cela peut lui arriver de profiter d’un restaurant à l’autre bout de la France en plein été et cela payé par la ville. C’était le cas le 31 juillet 2014. Mathieu Ruellan s’est rendu avec une personne inconnue, dont le nom n’est pas indiqué sur les justificatifs et ou pourtant les frais de cette personne ont aussi été pris en charge par la ville. Il s’agit du restaurant “La Pause des Genêts” dans la Manche et plus précisément… la baie du Mont Saint Michel ! Le site internet du restaurant précise : “Venez vous régaler dans ce restaurant atypique du village côtier de Genêts dans la baie du Mont Saint Michel. Offrez-vous une pause gourmande dans un cadre original au décor bohème et dégustez une cuisine moderne et somptueuse dans une ambiance chaleureuse. Profitez de notre jardin terrasse chauffée dans un espace cosy et reposant“. Les Soiséens auraient aimé recevoir au moins une photo souvenir. C’est quand même eux qui ont réglé l’addition non ?
Tout cela est bien éloigné des frais de représentation des élus ou d’agents. Toutes ces dépenses interrogent. Comment le Trésorier de Montmorency, qui est censé contrôler, autoriser et éventuellement refuser des dépenses injustifiées, a t-il pu laisser faire depuis tant d’années ces pratiques au sein de la mairie de Soisy ? Le budget de 6000 euros par an attribué au Maire de Soisy depuis l’été 2015 est-il encore justifié au vu des folles dépenses dont-il fait l’objet ? Des pratiques qui sont d’autant plus choquantes qu’elles proviennent d’un élu de la République censé appliquer la loi dans sa ville, et qui a juré, lors des dernières élections municipales de 2014, ne pas effectuer de telles dépenses aux frais des contribuables Soiséens.
Réactions
Omar Bekare
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